Entretien avec Tim Lee, d’AustOn
Le PDG de la plateforme australienne d’actifs agricoles d’RREO parle des défis auxquels le secteur est confronté et des avantages des investissements à grande échelle.
Tim est le chef de la direction d’AustOn, une plateforme de placement établie en 2018 aux fins de la gestion des actifs agricoles australiens du RREO. AustOn gère des actifs agricoles en Australie, où sont produits des amandes, des avocats, des pommes et des fruits à noyau, ainsi que des pommes de terre et des oignons.
Professionnel expérimenté du secteur de l’agroalimentaire, Tim a partagé ses réflexions sur les défis auxquels fait face le secteur et les avantages des placements à grande échelle dans le secteur de l’agriculture.
Les investissements institutionnels dans les terres agricoles augmentent. Pourquoi, selon vous?
Tim Lee : La réponse comporte deux volets : la diversification et la protection contre l’inflation. Certains oublient que l’agriculture a été la toute première catégorie d’actif. C’est ce qui a permis aux gens de cesser d’être nomades et de se rassembler pour former des villes. Aujourd’hui, les grands investisseurs perçoivent l’agroindustrie comme un secteur unique aux caractéristiques attrayantes. De plus, les terres agricoles offrent une très forte protection contre l’inflation. La valeur des terres agricoles a augmenté de façon constante au fil du temps, car le prix des aliments cultivés sur ces terres a tendance à augmenter avec l’inflation.
Quelle est l’occasion à saisir pour les grands investisseurs?
TL : Dans le cas d’une petite ferme, il peut y avoir beaucoup de volatilité. Dans le cas d’un actif d’envergure, il y la possibilité de diversifier les cultures, l’emplacement et plus encore. Cela aide à répartir le risque. En Australie, des occasions se présentent dans un large éventail de secteurs. AustOn se concentre actuellement sur l’horticulture, un segment où les investisseurs institutionnels ont sous-investi. Du côté des pommes, nous sommes parmi les premiers à avoir pris ce qui a été un marché très fragmenté, avec beaucoup de petits vergers et beaucoup d’agriculteurs vieillissants, pour créer un grand segment consolidé.
Quels sont les plus grands défis liés aux placements en agriculture?
TL : Le risque le plus évident est celui lié aux conditions météorologiques. En Australie, la plupart des fermes sont la propriété de familles et, si vous avez hérité de la ferme familiale, vous n’avez pas pu choisir votre emplacement. Les investisseurs institutionnels ont plus de choix quant au type et au lieu des activités agricoles. Et ils ont tendance à présenter des bilans plus solides, ce qui signifie qu’ils peuvent mieux gérer leur exposition aux conditions météorologiques extrêmes en investissant dans des moyens comme l’irrigation, les filets et les couvertures imperméables.
Les gens représentent un autre défi. Quand une récolte est prête, il faut la cueillir immédiatement et embaucher beaucoup de gens. Il n’est pas facile de trouver et de conserver de la main-d’œuvre pour la récolte. En tant que propriétaire d’une grande ferme, vous pouvez offrir plus de travail sur de plus longues périodes, ce qui vous rend souvent plus attrayant pour les gens qui cherchent du travail. Dans les régions où se trouvent toutes nos fermes, il n’est pas toujours facile de dénicher les bons talents.
Qu’en est-il de l’inflation et du coût des intrants?
TL : Oui, le diesel, les engrais, l’électricité et même les transports sont tous en hausse, alors nous devons nous montrer judicieux dans nos choix, et nous le sommes.
Utilisez-vous la technologie pour relever certains de ces défis?
TL : Nous déployons des plateformes de cueillette pour la récolte des pommes. Elles présentent un avantage important sur le plan de la sécurité, car elles réduisent les risques que nos travailleurs se blessent en montant ou en descendant une échelle tout en transportant de lourds sacs de fruits. Nous concevons et construisons nos nouveaux vergers avec un seul rang d’arbres en prévision du moment où la technologie de cueillette robotisée deviendra commerciale. Nous utilisons des drones pour évaluer les cultures et garder les oiseaux loin de nos arbres fruitiers en haute saison. Nous utilisons des sondes d’humidité au sol qui nous aident à utiliser la bonne quantité d’eau d’irrigation et nous pratiquons l’échantillonnage du sol et des feuilles pour nous aider à appliquer la bonne quantité et le bon type d’engrais. Les données jouent un rôle clé dans notre prise de décisions.
Parlons de la pression sur les agriculteurs pour qu’ils améliorent la durabilité de leurs opérations?
TL : Du point de vue commercial, être durable est tout à fait sensé. Si vos principaux actifs s’érodent ou perdent de la valeur, y compris vos terrains et vos arbres, cela vous coûtera à long terme. Dans la plupart des cas, les agriculteurs ont toujours eu la durabilité en ligne de mire, car ils ont tendance à léguer leur ferme aux générations futures.
Chez AustOn, nous avons commencé à mesurer notre empreinte carbone. Des pressions s’exercent en faveur d’une réduction des émissions, mais il sera difficile d’y parvenir en agriculture. Nous utilisons du diesel dans nos tracteurs et de l’électricité pour pomper l’eau d’irrigation et faire fonctionner nos grands frigos où nous conservons les pommes pendant près de 12 mois par année. Nous utilisons aussi beaucoup d’engrais. Les engrais à base d’azote couramment utilisés sur les pelouses contribuent également à accroître la productivité des vergers. Et il se trouve que la production et l’utilisation de ces engrais contribuent aux gaz à effet de serre. Cependant, nous devons continuer à utiliser des engrais afin de produire suffisamment de nourriture pour la population mondiale croissante. Ce sont des problèmes sectoriels qui nécessitent des solutions sectorielles.
Dans nos vergers, nous devons trouver des façons plus judicieuses de mesurer la quantité d’engrais que nous devons appliquer et le moment opportun pour l’appliquer, tout en envisageant différents types d’engrais qui pourraient avoir moins d’incidence sur les GES. Nous devons nous tourner vers l’énergie solaire et différentes sources d’électricité.
Parlons d’AustOn en particulier.
TL : Nous cultivons environ 2 500 hectares d’amandes et 600 hectares d’avocats, qui produisent chacun environ 9 000 tonnes par année. Nous avons 500 hectares de pommes, de fruits à noyau et de cerises, qui produisent 20 000 tonnes. Nous employons 160 personnes de façon permanente et à peu près le même nombre de travailleurs saisonniers. La plus grande partie de la récolte d’amandes est exportée. Les autres produits sont principalement consommés au pays, bien que nous ayons exporté environ 20 % de notre production d’avocats cette année, car de nouveaux marchés se sont ouverts à l’Australie après la signature d’accords de libre-échange. Notre segment des pommes de terre et des oignons possède 36 000 hectares de terres irriguées qu’elle utilise en rotation et produit 150 000 tonnes par année.
Quels sont les avantages de gérer différents types de fermes sous la bannière AustOn?
TL : Une partie de notre rôle consiste à favoriser la collaboration croisée, ce qui est un avantage d’avoir un investisseur institutionnel comme propriétaire. Si de nouvelles technologies ou de nouveaux produits chimiques ou engrais peuvent nous aider à réduire notre empreinte carbone, nous pouvons encourager leur adoption dans tout le groupe.
Notre structure permet le recrutement du personnel sur le terrain en Australie qu’il serait difficile d’assurer à partir de Toronto. Nous assurons la supervision, la gouvernance et la rédaction de rapports. Cependant, nous avons toujours besoin de gens intelligents sur place pour gérer les fermes au quotidien.