Enseigner la culture autochtone par l’art
L’artiste anichinabé Que Rock explique les différentes « couches d’enseignements » de la murale du Legacy Space
Aperçu :
- Le RREO a rencontré le graffiteur autochtone Que Rock, qui a créé une murale dans notre nouvel espace de travail au centre-ville de Toronto, pour comprendre ses inspirations et ce qu’il cherche à communiquer aux personnes qui verront l’œuvre.
- Le parcours artistique de Que Rock est influencé à la fois par le graffiti et le style artistique Woodland, lequel est issu d’une région ontarienne précise, située près du lac Supérieur, appelée Wawa.
- Il a discuté de son rôle comme ambassadeur de sa culture et du sérieux avec lequel il envisage cette responsabilité.
- Il a voulu créer une murale éducative. Il appelle cette murale « Anishinaabe 101 » (qui peut se traduire par l’a b c de la culture anichinabée), car elle est un excellent point de départ pour mieux connaître sa culture.
Favoriser les conversations sur l’histoire des Autochtones
Allons à la rencontre de Que Rock, le graffiteur de talent qui a créé la superbe murale dans le Legacy Space du RREO, une partie importante de notre nouvel espace de travail au centre-ville de Toronto. Fruit d’un partenariat entre le RREO et le fonds Downie Wenjack, le projet montre notre engagement en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) et notre cheminement vers la réconciliation avec les Autochtones. Les espaces Legacy Space ont pour but de susciter et de faciliter les conversations et les apprentissages au sujet de l’histoire des peuples autochtones et de la réconciliation dans un environnement sécuritaire et accueillant.
Pour Que Rock – aussi connu par son nom ojibwé, Manidoo Nemeen ou « Esprit dansant » – la murale représente une occasion de communiquer et de transmettre les enseignements autochtones qu’il a reçus en tant que jeune membre de la Première Nation de Nipissing et du Mai’ingan-doodem (clan du Loup). Actuellement établi à Toronto, l’artiste décrit l’éducation autochtone comme étant enracinée dans l’art et dans l’observation, c’est-à-dire la compréhension et l’apprentissage des lois de la nature et de toutes les histoires issues de notre culture.
Nous avons rencontré Que Rock aussitôt sa murale terminée pour comprendre ses inspirations et ce qu’il cherche à communiquer aux personnes qui verront son œuvre.
Visionnez la vidéo pour en savoir plus sur la vision artistique de Que Rock qui sous-tend cette murale, laquelle se trouve dans l’espace Legacy Space du RREO, et sur les façons dont les enseignements qu’il a reçus inspirent sa production artistique.
Décrivez le chemin qui vous a amené à être l’artiste que vous êtes aujourd’hui.
Que Rock : J’ai commencé comme danseur dans les pow-wow. Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la culture occidentale, j’ai été attiré par le hip-hop, qui comporte quatre formes d’art, soit le breakdance, le mixage sonore (ou « DJing »), le rap et le graffiti. Alex Bacon, l’un de mes meilleurs amis et mon mentor, m’a invité à le rejoindre devant mur un jour et m’a dit : « J’aimerais faire une murale avec toi et je te paierai pour te montrer à apprendre. » Ça fait cinq ans de cela et je peins des murales depuis.
Comment décririez-vous votre style?
QR : Mon parcours artistique est influencé à la fois par le graffiti et le style artistique Woodland, lequel est issu d’une région ontarienne précise, située près du lac Supérieur, appelée Wawa. C’est de là que proviennent les enseignements des pierres et vous les verrez dans la murale. On les appelle les pierres grands-pères. Nous croyons que les enseignements les plus anciens proviennent de la nation des pierres.
Il semble que votre mentor ait joué un rôle important dans le développement de votre style artistique. Quelle est l’importance du mentorat pour vous maintenant?
QR : Le mentorat a joué un grand rôle dans mon évolution comme artiste, car j’apprends beaucoup plus lorsque je transmets. Comme mentor, je m’appuie sur quelques principes. L’un d’eux, soit que chaque personne doit transmettre son savoir à une autre, est issu de la culture du hip-hop. Dans ma culture, l’une des cérémonies auxquelles j’ai participé pendant ma jeunesse a été celle du gardien du feu. Essentiellement, en tant que gardien du feu, vous apprenez votre culture, puis vous transmettez ce que vous avez appris, mais seulement lorsque vous l’avez compris. Je travaille avec de nombreux artistes. Pour ce projet, j’ai travaillé avec Sadie Marshall, qui est diplômée de mon programme de mentorat et qui excelle dans son travail.
Que signifie pour vous le fait de créer une murale pour l’espace Legacy Space du RREO?
QR : C’est toujours agréable de pouvoir faire connaître ma culture. Je suis un ambassadeur de celle-ci et je prends cette responsabilité très au sérieux. Mon objectif principal est de rendre ma famille fière, car la plupart des membres de ma famille vivent encore dans une extrême pauvreté et nous continuons de faire face à de nombreux problèmes graves dans nos communautés. Je suis la seule personne de ma famille qui est ici. Un jour, un aîné m’a dit que je suis un pont entre ma communauté et la ville.
Quelle était votre vision pour la murale?
QR : Je sais que les enseignements sont au cœur du RREO, alors j’ai voulu créer une expérience éducative pour les personnes qui verront l’œuvre. Je l’appelle « Anishinaabe 101 ». Elle constitue un excellent point de départ pour mieux connaître ma culture, mais ce n’est qu’une petite introduction. L’art autochtone ne se prête pas à l’interprétation. Il est instructif. Tout a une signification, qu’elle passe par la géométrie sacrée ou le symbolisme. Les motifs ne sont pas choisis au hasard.
Quel message transmettez-vous avec cette œuvre?
QR : Pour moi, cette [peinture représente] une reconnaissance exacte du territoire. Elle reconnaît toutes les nations avec lesquelles nous partageons ce magnifique endroit sur la Terre mère et sur l’île de la Tortue, qui est le nom de l’Amérique du Nord. C’est sur ce territoire que vous vous trouvez en ce moment, c’est-à-dire le territoire des Anichinabés.
Vos œuvres comportent toujours beaucoup de détails. Quels sont certains des enseignements autochtones que vous avez inclus dans cette murale?
QR : Je n’ai pas peur de combiner de multiples couches d’enseignements et d’histoires. On m’a appris l’histoire du traité de paix des Six Nations, qui commence à une époque où cinq grandes nations vivaient sur l’île de la Tortue. Ces cinq nations étaient la nation des oiseaux, la nation des poissons, la nation des animaux, la nation des insectes et la nation des plantes, qui reliait tout. Elles ont toutes été intégrées dans la composition. Avant que le premier être humain soit invité sur la Terre, le créateur a demandé à toutes les nations si elles accepteraient d’être les enseignantes de la nation des humains et elles ont toutes accepté. Je suis un descendant direct de Winona, la première « kwe » (femme) anichinabée. Quand elle a été créée, on lui a donné un ensemble d’instructions : marchez doucement, marchez en priant et marchez de la bonne façon.
J’inclus également les enseignements de la roue de médecine. La roue de médecine est la première boussole créée il y a 20 000 ans. C’était un outil que mes ancêtres utilisaient, non seulement pour comprendre le fonctionnement des quatre lois de la nature – Shkodé (feu), Aki (terre), Nibi (eau) et Noodin (air) – mais aussi le fonctionnement de vos natures. Vous pouvez vous déplacer dans quatre directions et, une fois que vous avez appris la base, vous commencez à bonifier ces enseignements et vous pouvez apprendre à vous déplacer sur le plan spirituel, ce qui se produit dans sept directions, soit vers le nord, vers le sud, vers l’est, vers l’ouest, vers le haut, vers le bas et vers l’intérieur. Il y a beaucoup d’équilibre dans ce tableau de la dualité. C’est pourquoi il y a deux carapaces de tortue : l’une est axée sur le monde spirituel et l’autre sur le monde physique.
Qu’espérez-vous que les gens retiennent de votre œuvre?
QR : Mon objectif est de faire connaître la culture anichinabée et de donner aux gens l’occasion d’avoir une perspective qu’ils ne voient pas habituellement. Imaginez une radiographie de l’esprit, voilà ce que sont ces peintures dans ma culture. Nous mettons l’accent sur l’énergie, la coexistence universelle et la façon dont tout est interconnecté. Je crois que c’est ce que j’aimerais que les gens retiennent – cette curiosité pour mieux la comprendre et, avec un peu de chance, susciter des conversations.